Comme vous avez pu le constater
dans de précédents articles sur ce blog, je suis fasciné par les musées
scientifiques dont l’ambiance semble surgir d’une autre époque. C’est dans cette démarche que je
me suis rendu au musée Fragonard.
Cet endroit est constitué des collections de l’école
nationale vétérinaire de Maison Alfort. C’est l'un des musées les plus anciens
de France, héritier du cabinet de curiosité du roi que Claude Bourgelat,
fondateur des deux premières écoles vétérinaires au monde, constitua à l'école
d'Alfort en 1766.
Le but de la création de cet
endroit était autant d’instruire les étudiants de l’école que d’impressionner
le public avec des pièces spectaculaires.
L’organisation
des collections actuelle date de 1902, après plusieurs modifications. Elle visait la pédagogique,
mais dès les années 1920, les étudiants se firent de plus en plus rares et son
ouverture fut réservée aux visiteurs de marque. Cet aspect unique a été
volontairement conservé, comme le témoignage unique de temps révolus. On
représente un peu ainsi un musée de musée.
Fœtus humain |
Ouvert au public depuis 1991, le
musée Fragonard rassemble plus de 4 200 pièces
présentées dans un cadre muséographique restauré. Une recente restauration a eu lieu
en 2007 et 2008 et visait à redonner au musée son lustre d’antan. L’ensemble
constitue un formidable témoignage de ce qu’était le musée d’un établissement
prestigieux au début du XXe siècle.
Le bâtiment est découpé en quatre
salles :
La première salle est consacrée à
l’anatomie comparée. Les vitrines sont assez bien ordonnées par thématique ou
appareil anatomique. On trouve également dans cette salle une importante
collection de monstres animaux. Le but original n’était pas de présenter une
galerie des horreurs, mais de permettre aux vétérinaires d’être capable de
reconnaître des pathologies fœtales et de s’adapter aux difficultés en matière
d’obstétrique.
Dans la seconde salle, on observe
une belle collection de squelettes dont les modèles anatomiques de Louis
Auzoux. Des mâchoires remplissent les vitrines de cette salle afin d’apprendre
à déterminer l’âge des animaux par l’usure dentaire et à identifier les lésions
dentaires.
La troisième salle a pour
spécialité la pathologie. Par contre, la pathologie ancienne, typique du début
du XXè siècle, comme des déformations osseuses liées au travail du bétail qui
était fondamentalement différent, mais aussi aux maladies parasitaires et aux
maladies infectieuses transmissible à l’homme comme la tuberculose.
La dernière salle, sous température contrôlée, contient quelques animaux naturalisés, une grande collection de parasites, mais surtout les fameux Écorchés d’Honoré Fragonard qu’il commença à préparer en 1766.
Afin de préparer ses pièces d’études, Fragonard, en plus de disséquer
minutieusement ses sujets, maîtrise une technique de conservation qui reste
encore en partie un mystère de nos jours et a permis à ses réalisations de parvenir
jusqu'à nous en résistant aux dommages du temps. De plus, il donne une touche
dramatique à travers des mises en scènes théâtrales et en fait des œuvres d’art
qui lui permettent de s’assurer de
larges revenus en les vendant à l’aristocratie.
On a découvert les principales
particularités de la préparation des écorchés suite à l'épisode de canicule de
2003 qui a entraîné des fontes des injections vasculaires. Selon Christophe
Degueurce, professeur d'anatomie à l'École nationale vétérinaire d'Alfort et
conservateur du musée, les principales particularités tenaient à la nature de
l'injection vasculaire : Fragonard ne recourait pas à la cire pour son
mélange mais utilisait du suif de mouton. Cette graisse fondait à une
température au-dessus de 20 °C,
ce qui permettait de faire des injections dans les vaisseaux sans que le corps
fût chauffé trop longtemps, voire sur des cadavres froids. Par ailleurs,
Fragonard vernissait sa préparation avec de la résine de mélèze, la térébenthine
de Venise, probablement à l'origine de l'absence d'attaque par les insectes
destructeurs des pièces anatomiques sèches.
Sa collection était l'une des
plus riches de France, sinon du monde, jusqu'à ce qu'elle soit dispersée sous
la Révolution. Seuls 21 écorchés restés sur place à Alfort sont parvenus
jusqu'à nous.
Ses pièces les plus célèbres sont
« L'Homme à la mandibule », le « Groupe de fœtus humains dansant
la gigue » et surtout « Le cavalier de l'Apocalypse » qui tenait
autrefois dans sa main gauche des rênes de velours bleu qui passaient entre les
mâchoires du cheval, et un fouet dans sa main droite.
Une légende colportée par le naturaliste suédois Karl Asmund Rudolphi veut que
ce cavalier soit en fait une cavalière, la « fiancée de Fragonard », légende reprise dans la littérature (il s’agit en réalité
d’un adolescent d’une douzaine d’années).
Personnellement, je me suis
demandé quelle a été la limite dans la démarche créatrice de Fragonard entre la
recherche scientifique, l’amour de l’art, la demande de l’aristocratie qui
achetait ses pièces et une éventuelle folie morbide. Toujours est-il que ce travail est encore présent presque 250 ans après sa
création et qu’il est connu à travers le monde.
Voici ce que j'ai réussi à en photographier dans ce musée :
Fœtus humain |
Fœtus humain |
Fœtus humain |
Le cavalier de l'Apocalypse |
fœtus humains dansant la gigue |
fœtus humains dansant la gigue |
fœtus humains dansant la gigue |
Le cavalier de l'Apocalypse |
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